Né de mère Nature et de Père inconnu à une époque sans eau courante que celle des ruisseaux, que vacarme du vent dans les ormeaux, j’ai eu l’enfance des gens de peu, en abris de fortune sur une terre sauvage jusqu’à ses fruits, de meilleur ami qu’un cheval.
J’ai appris, tôt, à l’école de la gamelle : l’argile, le fil, la forge, récolte après semis, chaque sillon à mains nues dans des vallées d’ubac et d’adret, de bon grain et d’ivraie.
Je cause, écris, j’imprime, vite, et n’ai jamais rechigné au coup de poing. Je me défends et prends pour cela les devants. Du feu entre deux pierres un matin, des fers aux pieds le soir même ; libre est mon credo, libre illico du credo.
Ainsi me suis-je élevé, à la force du poignet sur le manche. J’ai adolescent monté des échafaudages, des expéditions, des châteaux, des bateaux, des cathédrales, jamais au bout d’une surprise qui jamais ne l’est restée assez longtemps pour m’y arrêter.
Premiers émois de chair et d’os, la faim au ventre de citrouille et de carrosse, et de gâteau. Dix-huit bougies fêtées un juillet du siècle dix-huitième. Emancipé, coupé cordon, entrant de plein droit en l’âge adulte.
Feu d’artifice et bille en tête, dans la folie de mes vingt ans, en charrette, en voiture, train, char, avion, sous-marin et fusée, j’ai mis la Lune au pas, la Terre à sac et linceul. Nul oiseau qui ne craigne en mes doigts des barreaux. J’ai brûlé des mémoires, gâché des présents et rêvé de lendemains. J’ai créé des forêts de bibliothèques, des requiem de nouveau monde, des iris et des pommes sublimes de musée, de fils télégraphiques tissé ma toile et pris sans partage possession de tout, en quête de racines dans un télescope, d’avènement sur un linéaire, dernier cri d’un terminal.
Je viens d’entrer dans ma vingt-et-unième année, ai soif de frères et m’abreuve d’ennemis, faim sans frontière d’horizons et ne m’en accorde aucun.
Peuple d’hommes, boue au cœur et fleur à l’âme,
rêvant de Grand soir,
n’ayant rien vu se lever
de plus beau
qu’un Matin.
MS