Christian Lassalle : Bonjour Marc. Ton parcours chanson est un peu particulier : tu peux nous en dire deux mots ?
Marc Servera : Salut Christian. Disons que je reviens d'une erreur d'aiguillage. J'ai d'abord fait des études, puis un peu de vie dite active, et puis la passion de l'écriture et de la musique a repris le dessus. J'essaie depuis quelques temps de me remettre sur les rails, les miens. Une affaire de sens.
CL : Une chanson, pour toi, c’est quoi ?
MS : Du sens, justement. C'est en tous cas ce qui me porte à écrire. Chercher à donner un peu de sens, de beauté.
CL : Du sens ? Un roman, ça a du sens, un tableau, ça a du sens et de la beauté. Mais ça reste dans une bibliothèque ou dans un musée. La chanson, c’est quoi le plus qui fait que tu écris des chansons, pas des bouquins ? Qu’est-ce qui motive ce choix ?
MS : Probablement parce que chanter est en moi une chose naturelle. Je ne viens pas d'une famille à la fibre très artistique, mais à 5, 6, 7 ans, je chantais. J'étais dans la famille le môme qui chante.
CL : Tu insistes sur le "sens" des mots dans une chanson. Est-ce que les mots ne peuvent pas être seulement le support tangible d’une émotion procurée par une mélodie et une voix ? Je pense là à "Folklores Indigo".
MS : "Folklores indigo" est pourtant une chanson dont je peux donner le pourquoi et le sens de chaque mot. Je n'ai pas joué sur les sonorités et les images au détriment du sens. Mais c'est vrai que contrairement à ma démarche habituelle je n'ai pas absolument cherché à mettre ce sens au premier plan. On peut s'en saisir ou "se contenter" de l'émotion procurée, pour reprendre ton expression.
CL : Tu te classes dans quelle catégorie : la chanson à texte, la chanson à musique, la chanson engagée, la chanson dégagée, la chanson poétique, la chanson à voix, la chanson légère, la chanson grave ?
MS : La chanson à paroles et musique ! Si je n'écrivais pas, je ne composerais ni ne chanterais. Le texte - le sens - est donc à la base de ma démarche. En même temps, je crois que le plaisir d'écoute d'une chanson nous vient d'abord de la musique. Elle est un peu la locomotive sans laquelle les wagons chargés des mots les plus beaux auront un peu de mal à rejoindre leurs destinataires. J'attache donc beaucoup d'importance à la mélodie.
CL : Et le plaisir de chanter ?
MS : Il est à la source de ma démarche, et toujours présent. Si je ne chantais pas, j'écrirais sans doute autrement, dans un autre format.
CL : Dans ma liste, J’ai oublié la chanson d’humour : c’est ton truc, ça ?
MS : Y a quelques temps un copain m'a fait remarquer qu'il y avait assez peu d'humour dans mes chansons. Disons que ce n'est pas mon cœur d'ouvrage en chanson. J'en ai écrit quelques unes, mais plus pour la scène, elles ont parfois trouvé leur place sur un album.
CL : Tu as déjà cinq albums en une décennie : tu écris beaucoup et/ou vite. Tu écris comment ?
MS : Je n'écris ni beaucoup ni vite. Mais comme je travaille beaucoup, ça donne assez vite quand même quelques chansons. J'écris comment ? : laborieusement, en même temps dans le plaisir.
CL : Et à part la chanson ?
MS : J'ai trois femmes à la maison, essentielles. Des bouquins, indispensables. Pas du tout spécialiste et pas assez riche pour avoir une cave, mais bon amateur de bon rouge.
Puis la vie, magnifique, même et surtout sans palace quand on a au moins et déjà la chance d'être en bonne santé.
CL : Sur l’album Vie Road Movie, tu rends hommage à Ray Charles et Cassius Clay, deux noirs américains : c’est le hasard ?
MS : Oui. Je n'avais même pas remarqué.